Les monstres

Les Monstres ou les dangers de l’orgueil et de la démesure.

Les Monstres sont nés des excès des femmes lors de l’épidode mythique de la séparation des sexes.

Hozho, l’harmonie, est garante de la santé du Peuple. La complémentarité est également au coeur du processus de guérison navajo. Les Yei vont souvent par paires, mâle et femelle. Le corps humain possède lui-même une partie mâle et femelle. Il permet au navajo de faire la jonction entre le Ciel-Père et la Terre Mère à travers la cordre d’ancrage.

Les ancêtres des Navajo, des proto-formes pas complètement humaines, sont chassés des mondes inférieurs qu’ils visitent successivement à cause des désordres qu’ils créent parmi les populations habitant ces mondes souterrains: le Peuple héron, le peuple insecte etc…

Dans le quatrième monde, alors que les ancêtres des Navajo ont déjà une forme humaine, une dispute éclate entre Premier Homme et Première Femme.

De retour de chasse, Premier Homme est humilié par Première Femme. Au lieu de le remercier pour son butin, elle adresse un éloge à son vagin. S’ensuit un vif échange entre les deux partenaires :

‘Pourquoi ne me remercies-tu pas ? Est-ce que c’est ton vagin qui tua le cerf ?’ ‘Oui, affirma-t-elle, si ce n’était pour cela, vous autres, hommes paresseux resteriez ici à rien faire.’ [1]

Premier Homme décide alors de donner une leçon aux femmes et propose à la gent masculine de s’installer sur la rive opposée du fleuve où les couples avaient bâti leurs demeures.

Après quatre années de séparation, les femmes meurent de faim car les récoltes s’amenuisent de jour en jour. La perpétuation de l’espèce inquiète Premier Homme et tous les hommes retournent vivre auprès de leurs compagnes.[2]

Mais, lors de la séparation, les femmes ont satisfait leurs besoins sexuels en copulant avec des animaux et des végétaux. Ayant assujetti des éléments de la création, ayant rompu l’harmonie et l’interdépendance des êtres en exerçant un pouvoir arbitraire, les femmes vont engendrer des monstres

Les Jumeaux tuent le monstre Ye'iitsoh avec leurs flèches éclairs.

Les Jumeaux tuent le monstre Ye’iitsoh avec leurs flèches éclairs. Illustration de Raymond Johnson, Stories of Traditional Navajo Life and Culture, Navajo Community College Press, page 223.

Seule la naissance des Jumeaux -Tueur de Monstres et Né de l’Eau- enfantés par Femme Changeante permettra de mettre fin à la destruction systématique des humains par les Monstres.

La naissance des Monstres rappelle que tout abus engendre le désordre et la souffrance. Les Monstres s’attaquent en premier aux nouveaux-nés, empêchant ainsi le renouvellement des générations.

Les Jumeaux qui permettront aux humains de mettre fin au cycle de destruction qui menace la pérénité de l’espèce sont nés de l’union entre Femme Changeante, la terre sans cesse renouvellée, et le Soleil. Le soleil est considéré comme un principe sexuel ordonnateur: il participe à tous les accouplements.

Sun's House, Sandpaintings of the Navajo Shooting Chant, Franc J. Newcomb et Gladys Reichard.

Sun’s House, Sandpaintings of the Navajo Shooting Chant, Franc J. Newcomb et Gladys Reichard.

Les Jumeaux ignorent l’identité de leur géniteur. Au début du combat qui les oppose aux Monstres, le Soleil refuse de leur venir en aide. En parvenant à susciter son admiration, ils vont permettre aux humains de se réconcilier avec leur part de sacré. La reconnaissance des Jumeaux par le Soleil-Père marque la réaffirmation de la filiation sacrée des humains.

Cette sacralité avait été oubliée des habitantes du troisième monde car elles avaient abusé d’animaux et de végétaux.

Mummy Cave, Mummy Cave, Canyon de Chelly, 2006. © Nausica Zaballos.

Mummy Cave, Mummy Cave, Canyon de Chelly, 2006. © Nausica Zaballos.

Certains Navajo affirment que les ruines des Anasazi -présentes dans le Canyon de Chelly dans la réserve navajo mais également hors de la réserve, à Mesa Verde dans le Colorado- attestent la présence des ancêtres navajo, ceux qui furent exterminés à cause de leurs excès.

[1] Locke Friday, The Book of the Navajo, op.cit.,  p.68.
[2] Matthews, Washington. Navaho Legends. University of Utah Press, 1994, p.71-73.
[3] Matthews, Washington. Navaho Legends. University of Utah Press, 1994, p.224, note 71.

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