2026 : l’année Maria Reiche ?

Le 10 décembre 2025 sortira un magnifique film, Lady Nazca, réalisé par Damien Dorsaz qui s’est librement inspiré de la vie de Maria Reiche, archéologue allemande surnommée « la folle du désert. »

Et le 7 janvier 2026, ce sont les éditions Grand Angle qui sortiront l’album Lady Nazca de Nicolas Delestret. Alors 2026, année Maria Reiche ?

En dehors du Pérou et de l’Allemagne, plus beaucoup de monde ne connaît Maria Reiche.

Pourtant, les Péruviens lui sont éternellement reconnaissants d’avoir contribué à documenter et protéger l’un des trésors de l’Humanité, les géoglyphes, ces lignes souvent droites, parfois courbes, qui dessinent d’étranges silhouettes (de singe, d’araignée, de colibri…) qu’on ne peut apprécier réellement que d’avion. Un timbre a même été consacré à Maria Reiche.

Dans les années 1970-80, Marie Reiche était souvent interviewée, les chaînes TV surfant sur la mode des spiritualités alternatives ou des supposés mystères des civilisations disparues.

L’Institut National de l’Audiovisuel a mis en ligne plusieurs portraits de Maria Reiche et courts documentaires sur les lignes de Nazca.

Maria Reiche et les mystères de la pampa, une vidéo de 6m59 et datée de 4 avril 1980 peut être vue ici.

La Dame de Nazca, extrait d’une émission spéciale, diffusée le 4 avril 1980, est disponible en cliquant sur ce lien.


Lignes et Géoglyphes au Nasca et Palpa
Date : 30/03/2016
Auteur : Arturo Bullard Gonzales
Copyright : © Ministerio de Cultura – Perú
Source : CPE

Pour Damien Dorsaz, grand amoureux du Pérou, son film Lady Nazca est un hommage à une femme  – souvent incomprise de son vivant – qui a pourtant contribué à sauver les géoglyphes de Nasca et de Pampas de Jumana, inscrits au Patrimoine de l’Humanité depuis 1994.

Ce projet lui tenait tellement à coeur qu’il l’a défendu pendant plus de 18 ans :

J’ai porté ce film à bout de bras pendant 18 ans pour qu’il existe aujourd’hui. Longtemps, personne ne voulait de cette histoire. C’est comme s’il avait fallu attendre que les thèmes qui traversent LADY NAZCA soient en phase avec la société. »

L’une des séquences clefs du long-métrage montre Maria Reiche, jeune femme frêle, plaider pour la sauvegarde des géoglyphes au milieu du Sénat, face à plusieurs rangées d’hommes d’âge mûr, peu enclins à écouter les « fariboles » de gamines non mariées. Lady Nazca montre avec pudeur et finesse, sans jamais accentuer le propos qui aurait pu devenir militant, la difficulté pour les femmes de cette époque à exister et faire entendre leurs voix en dehors des modèles traditionnels de mères au foyer.

Crédits : TOBIS Film, Daniela Talavera

Toute jeune étudiante, sa soif de liberté entraîne Maria Reiche loin de sa famille, et du nazisme, alors en plein essor. Elle s’installe à Lima dans les années 1930 et fréquente, là-bas, de nombreux expatrié.es issu.es de cercles intellectuels. Elle participe notamment aux soirées données par son amie Amy Meredith.

Maria Reiche n’était pas archéologue ou anthropologue de formation : passionnée par les mathématiques et l’astronomie qu’elle avait étudiés en Allemagne, à Dresde, elle était préceptrice et enseignait aussi dans des écoles. Sa découverte de la civilisation nazca fut un hasard : c’est par l’intermédiaire d’Amy Meredith qu’elle connaît Paul Kosok, universitaire nord-américain qui l’embauche comme traductrice.

Crédits : Memento

Avec Lady Nazca, Damien Dorsaz prend quelques libertés avec l’Histoire pour livrer un récit symboliste, en résonnance avec son propre parcours et sa rencontre avec Maria Reiche en 1996 :

Je l’ai rencontrée lors de mon premier voyage au Pérou en 1996. Cette rencontre a très fortement marqué le jeune homme que j’étais.
Voici ce que j’écrivais dans mon journal de bord à l’époque : « Maria Reiche restera pour les Péruviens la femme qui a découvert et aimé leur culture ; pour le monde, elle restera la pionnière de Nazca ; pour moi, elle restera cette femme qui m’a fait prendre conscience de la force de ma vie et de ce que je pouvais en faire. »

Crédits : TOBIS Film, Daniela Talavera

Au lieu de reconstituer les relations entre Paul Kosok et Maria Reiche, le réalisateur invente un autre personnage. Guillaume Gallienne interprète un chercheur français qui se laissera convaincre de la valeur patrimoniale et culturelle des géoglyphes étudiés par Maria Reiche. Pour le réalisateur, c’était une évidence de lui confier ce rôle :

Guillaume est mon ami. On se connait depuis que l’on a 16 ans. On était dans la classe libre du Cours Florent ensemble, puis au Conservatoire national d’art dramatique. Guillaume a même en partie participé au fait que ce film existe aujourd’hui. Je me suis inspiré de lui et de ses belles contradictions pour écrire le personnage de Paul d’Harcourt. »

Crédits : Memento

Tourné seulement en 28 jours, Lady Nazca est un film franco-allemand distribué par Memento. La musique est signée Nascuy Linares, compositeur vénézuélien connu pour son travail sur L’étreinte du serpent de Ciro Guerra. Comme les géoglyphes sont protégés notamment en raison de leur fragilité, l’équipe déco péruvienne a recréé certaines figures dans le désert, à deux heures de route des véritables lignes de Nazca.

L’image de cette femme seule, considérée folle par beaucoup, mais mue par une volonté farouche de comprendre ces mystérieuses lignes, de redonner sens au passé des autochtones a guidé le réalisateur toutes ces années :

Le personnage trouve sa ligne de vie, en découvrant des lignes millénaires au milieu du désert. Ce qui m’a touché, c’est la force et le souffle qui se dégagent de cette femme. Et ce qui m’a intéressé́, c’est d’emmener les spectateurs vers l’état de grâce que le personnage touche du doigt à un moment du film. Cet état très rare dans nos vies où l’on se sent complètement en adéquation, littéralement aligné, en osmose avec le monde et
avec nous-même. J’ai voulu faire sentir la quête intime du personnage pour trouver sa place et pour trouver ce qu’elle veut vraiment faire de sa vie. C’est quelqu’un qui écoute intimement son intuition. Ce qui m’a intéressé aussi, c’est de raconter l’histoire d’un personnage qui recherche un rapport plus doux au monde (…)

Et il y a l’image de cette silhouette qui balaie le désert, l’image d’un petit être qui, seul au milieu de l’immensité désertique, semble prendre soin de la croûte terrestre. C’est cette image qui m’a toujours guidé (…)

Ce que j’ai essayé de raconter avec Lady Nazca, c’est un personnage européen qui pour une fois, ne vient pas juste prendre des choses dans un
pays ou vivre une histoire exotique, mais un personnage qui vient se mettre au service de cette culture et qui va finir par consacrer sa vie à cette culture. Mon personnage principal est l’inverse d’une Karen Blixen de OUT OF AFRICA, une blanche qui est audessus de tout le monde. Ce que j’ai aimé dans le personnage de Maria, c’est qu’elle est extrêmement humble. Elle n’impose rien aux péruviens de la région, elle tombe amoureuse de leur culture. »

Crédits : Memento

Maria Reiche est interprétée par Devrim Lingnau, incroyable de douceur et de force de caractère.

Toute sa vie, Maria Reiche, décédée en 1998 à l’âge de 95 ans, aura œuvré pour la protection des lignes de Nazca : de sa première victoire en 1954, lorsqu’elle convainc le gouvernement de mettre un terme à un projet d’irrigation de champs de coton qui risquait de détruire à jamais les figures, jusqu’en1994, deux ans avant sa mort, avec la labellisation des géoglyphes en Patrimoine de l’Humanité.

En plus d’être un film aux paysages et à la photographie enchanteurs, Lady Nazca est un portrait de femme sensible et émouvant, qui marque durablement.

Je remercie Memento Distribution et l’attaché de presse André-Paul Ricci de m’avoir permis de découvrir ce film avant sa sortie en salles.
Une critique complète sera publiée sur www.cinescribe.fr
Les informations confiées par le réalisateur Damien Dorsaz ont été extraites du dossier de presse.

Pour aller plus loin / Bibliographie :

« Remembering archaeologist Maria Reiche, who devoted her life to investigating Peru’s Nazca Lines », Hilary MacGregor, Los Angeles Times, 31 octobre 2015

Markings: Aerial Views of Sacred Landscapes, un livre de Maria Reiche et Marilyn Bridges, Aperture, New York, 1986.

Maria Reiche, Mystery on the desert, Secreto de la pampa,1976. Disponible en consultation à la Bibliothèque Forney (Paris)

affiche pour la sortie allemande du film.

 

 

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