Plusieurs raisons de se réjouir après la diffusion des deux premiers épisodes de la saison 1 de la série Dark Winds disponible depuis une semaine sur AMC .
Tout d’abord, c’est une adaptation des romans policiers de Tony Hillerman qui mettent en scène deux policiers – Joe Leaphorn et Jim Chee – travaillant au sein de la réserve navajo.
Ensuite, on retrouve Robert Redford aux manettes de la production. C’est une excellente nouvelle quand on connaît l’intérêt manifesté par Redford pour la défense des Premières Nations. En 1991, après avoir acquis les droits sur les ouvrages de Tony Hillerman, le militant environnementaliste Robert Redford avait déjà produit The Dark Wind, un film sorti directement en vidéo malgré un bon accueil critique.
A l’époque, on pouvait regretter que le rôle principal soit donné à Lou Diamond Phillips, star d’origine philippine, au détriment d’un acteur amérindien. Redford expliquait alors au Los Angeles Times qu’il était difficile de trouver des financements avec un cast 100% amérindien mais dans les années 2000, il se rattrapa en produisant de nouvelles adaptations des ouvrages de Tony Hillerman, Skinwalkers, en 2002, Coyote Waits en 2003 et en 2004 A Thief of Time, trois téléfilms diffusés sur la chaîne PBS.
Les principaux protagonistes étaient cette fois-ci interprétés par deux acteurs Native, Adam Beach (qui s’était fait connaître pour son rôle dans Windtalkers réalisé par John Woo) et Wes Studi. Et la réalisation avait été confiée (pour au moins deux téléfilms) à Chris Eyre, réalisateur Cheyenne-Arapaho de Smoke Signals, premier film 100% amérindien à rencontrer dans l’histoire du cinéma un succès à la fois public et critique.
C’est donc tout naturellement vers Chris Eyre que Robert Redford s’est tourné pour la réalisation des épisodes de cette série basée sur l’univers de Tony Hillerman. Et après avoir vu les deux premiers épisodes, qui reprennent en partie l’intrigue du roman Listening Woman, on constate que malgré la noirceur des crimes commis (sur deux victimes navajos mais aussi sur l’ensemble de la communauté tribale avec la contamination des sols et des eaux – mais nous n’en révélerons pas plus), Chris Eyre a parsemé les dialogues de cet humour Native si particulier qui conférait un charme indéniable à Smoke Signals tout en étant plus efficace que n’importe quel discours politique sur les conditions de vie actuelles des Premières Nations amérindiennes.
Il pourrait paraître plus surprenant de retrouver à la production de cette nouvelle adaptation un autre grand nom d’Hollywood, George R.R. Martin, l’auteur original de Game of Thrones. Mais, R.R. Martin vit depuis 1979 au Nouveau-Mexique et c’est d’ailleurs peu de temps après son déménagement dans les terres amérindiennes qu’il rencontra Tony Hillerman, lors d’un des repas mensuels que ce dernier organisait au Albuquerque Press Club for writers. A l’occasion de la sortie de Dark Winds, R.R. Martin a fait preuve de son admiration pour Hillerman en déclarant aux journalistes de United Press International : « Tony Hillerman was one of the greats, as every mystery reader knows. Down here in the Southwest, Joe Leaphorn and Jim Chee are as iconic as Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Philip Marlowe, and Travis McGee. »
George R.R. Martin s’est donc battu bec et ongle pour que cette adaptation, d’abord prévue pour HBO, voit le jour. La série a été très bien reçue dans les différents festivals où elle a été projetée, notamment à Austin lors de l’ATX Television Festival, avant de débouler sur les écrans et elle a déjà été renouvelée pour une seconde saison
La presse salue la qualité de jeu des acteurs, tous très bons, et de nombreux articles ont été consacrés à Zahn McClarnon, qui interprète avec un magnétisme rare Joe Leaphorn. En raison de la pandémie et de l’interdiction de filmer sur le territoire navajo, les épisodes ont été tournés au Camel Rock Studio, premier studio détenu par des amérindiens, à Tesuque Pueblo, et aussi au Cochiti Pueblo, réserves pueblos et non navajo. Néanmoins, les décors originels ont bien été reconstitués avec notamment les scènes près de Monument Valley, Many Farms, Canyon de Chelly et les différents marchés de la réserve. Si l’intrigue est solidement ficelée avec un suspense qui monte en puissance au fil des indices et des différentes pistes suivies, la dimension politique – plutôt absente de l’œuvre originale – d’un projet qui réunit des acteurs, scénaristes, réalisateurs et créateurs (la série est signée Graham Roland, de la Nation Chickasaw) amérindiens est évidente dans les problèmes rencontrés par les différents protagonistes : inscription forcée au pensionnat tenu par des missionnaires blancs, stérilisation des femmes navajos après une première grossesse, plafond de verre pour les policiers amérindiens…
Néanmoins, plusieurs membres de la Nation Navajo n’ont pas été emballés par cette nouvelle série. Les reproches sont variés (voir article paru dans le Navajo Times) mais renvoient presque tous à des problèmes de représentativité. Les acteurs principaux, tous issus d’autres tribus, parleraient mal navajo dans les scènes où les dialogues sont en navajo à tel point que certains mots, mal prononcés, changeraient de sens ! Enfin, l’insistance des scénaristes sur les pratiques de sorcellerie – taboues parmi les traditionalistes – nuirait à l’image du Diné (Peuple Navajo). L’absence aussi d’acteurs navajos dans les rôles principaux est mal vécue : “There are two ways they could have gone about this – they could have cast Diné speaking actors – I know there were a few who auditioned for these lead roles,” said Yazzie. “Or, hire dialect coaches to help with the pronunciation and fluency.” However, Yazzie said, unfortunately, while there is plenty of Diné talent out there, that’s not necessarily what Hollywood looks for. “If they don’t fit the physical description of Hollywood’s image they won’t get cast,” she said. “We have to look a certain way to land these roles.”
Pourquoi ne pas conclure en citant l’acteur principal Zahn McClarnon à propos de la légitimité ou l’absence de légitimité des acteurs à incarner un personnage étranger à leurs culture d’origine :
“It’s hard,” McClarnon says. “I don’t want to be the Indian police kind of thing. But I do think somebody brings more to that character who knows their culture. But the other side is, I’m Irish and I’m Lakota. I’m pretty ambiguous with my looks, and I am able to play a Latino role. And I wouldn’t want somebody telling me I couldn’t because I’m not a Latino. It’s like, Al Pacino is not Cuban, but he played a really good Cuban in Scarface.”